Si Serge Prokofiev est connu pour avoir composé un des plus populaires contes musicaux, ‘Pierre et le Loup’, il souffre de l’étouffement pour raisons politiques d’une autre œuvre du même genre, ‘Le Bûcher d’Hiver’ (Winter Bonfire), une suite symphonique pour récitant, chœur de garçons et orchestre, op. 122, écrite en 1949 et créée en 1950.
Cette pièce d’une petite vingtaine de minutes se base sur un texte de Samuil Marshak qui met en scène un groupe de ‘Jeunes pionniers’, donc des membres de cette organisation idéologique, d’inspiration scout, des jeunes communistes de l’ex-URSS et dont tous les jeunes de 10 à 14 ans devaient obligatoirement faire partie. Le ‘Jeunes pionniers’ étaient une étape préparatoire au ‘Komsomol’, organisation des jeunes communistes de 14 à 29 ans. Cette composante politique a eu comme résultat que la musique ne s’est jamais imposée dans le répertoire des pays de l’Ouest. C’est dommage, car les mélodies évocatrices de ce petit chef d’œuvre ont tout pour plaire.
Et finalement, le texte de Marshak n’est guère idéologique en soi. Il raconte l’histoire d’un groupe d’enfants qui quitte Moscou pour des vacances d’hiver.
C’est avec une jolie mélodie très ‘train-train’ que débute le voyage. Le train s’arrête dans une petite gare, avant de traverser un paysage neigeux. Dans une musique poétique et contemplative, le célesta crée un tourbillon de flocons.
Sur un lac glacé on peut admirer les patineurs: pour ce patinage Prokofiev a composé une belle valse symphonique. Un trémolo de cordes mène au coucher de soleil qui s’annonce aux cors. Dans une atmosphère mystérieuse, le groupe de garçons se rassemble autour du feu et chante la chanson des pionniers. Seul le mot ‘kolkhoze’ rappelle l’ère soviétique. Les enfants vont se coucher et une rêverie symbolise leur sommeil. Un tambour les réveille, ils marchent vers le train qui repart sur la même mélodie que celle du voyage aller.
Le label Salamandre vient de publier cette belle œuvre de Serge Prokofiev, rassemblant sur le disque une version française, une version anglaise et une version sans commentaire.
Vincent Figuri déclame le texte avec un pathos appuyé, et des passages de textes viennent se superposer à la musique, contrairement au voeu du compositeur qui avait conçu sa pièce comme suite symphonique, le texte étant destiné à être lu entre les divers morceaux. L’interprétation musicale par l’Orchestre de la Saison russe sous la direction d’Andrei Tchistiakov est excellente et inspirée.